PAOLA PIZZI

Dottoressa di ricerca

ciclo: XXXIV


supervisore: Tutor: F. Zappa

Titolo della tesi: La non-violence comme moyen de changement en islam : la contribution de Ǧawdat Saʿīd

Cette thèse vise à apporter une contribution originale à un sujet encore peu représenté dans les études académiques, à savoir celui de la non-violence en islam. Il est vrai que le soi-disant « printemps arabe » déclenché en 2011, et caractérisé par la mobilisation essentiellement pacifique de millions de personnes dans toute la région arabo-islamique du Moyen-Orient, a ouvert une brèche sur cette question, laissant entrevoir un panorama qui amène à remettre fortement en cause un certain nombre d’idées reçues ; cela a fait paraître au grand jour, en particulier, la faiblesse d’une certaine narration qui attribue volontiers à la lutte violente un caractère d’inhérence aux principes doctrinaux de l’islam – en tant que référence identitaire majoritaire des sociétés proche-orientales – et notamment à la notion de ǧihād. Néanmoins, force est de constater que la non-violence est encore loin d’avoir obtenu un véritable droit de cité parmi les courants de pensée de l’islam contemporain. Il ne s’agit, d’ailleurs, pas seulement d’un manque de reconnaissance de l’extérieur, mais aussi du reflet d’un regard souvent porté de l’intérieur même des sociétés musulmanes. Ainsi, on sait très peu de choses sur les principaux interprètes de ce courant, dont on parle le plus souvent en évoquant des pratiques exogènes de la non-violence : c’est ainsi que des militants non-violents comme les indiens Abul Kalam Azad et Abdul Ghaffar Khan sont qualifiés de « Gandhi de Musulmans », même au sein du monde arabo-islamique ; une définition qui suggère implicitement l’idée que la non-violence ne saurait avoir un caractère islamique pleinement endogène. C’est sous cette même étiquette qu’est évoqué le plus souvent un penseur que l’on peut considérer comme l’un des plus grands théoriciens contemporains de la non-violence en islam, à savoir le prédicateur et théologien syrien Ǧawdat Saʿīd, dont le vaste travail fait l’objet de notre recherche. Encore peu connu, et encore moins étudié, bien que le déclenchement de la révolution en Syrie en mars 2011 ait jeté une lumière sur son rôle d’inspirateur du mouvement non-violent dans ce pays, Ǧawdat Saʿīd (1931-2022), est l’auteur de dizaines d’œuvres en arabe, pour la plupart non traduites, qui insistent sur la nécessité d’adopter la non-violence comme modus operandi d’une action islamique visant à réformer la société, mais aussi l’intérieur de l’individu. Intellectuel profondément enraciné dans son milieu arabo-islamique, son parcours est à l’image de celui de nombreux autres intellectuels de la génération dite « post-Nahḍah ». Nous regroupons sous cette étiquette ces penseurs qui se situent en continuité avec les idées et les sensibilités de la Nahḍah, un mouvement caractérisé par un large débat sur le rapport entre l’islam et la modernité, incarnée par l’Occident, qui à son tour a enclenché une remise en cause des paradigmes traditionnels à travers lesquels l’islam était jusqu’alors interprété. D’abord adepte de la salafiyyah, Saʿīd se rapprochera plus tard de l’islamisme, et notamment de sa principale organisation, celle des Frères musulmans, dont il ne deviendra cependant jamais membre : la position du mouvement vis-à-vis de la question de la légitimité de l’usage de la violence dans le changement social et politique, qu’il jugeait « ambiguë », c’est ce qui l’a empêché de rejoindre officiellement ce courant. Au fil du temps, Saʿīd mènera des recherches indépendantes sur les racines islamiques de la non-violence, sans jamais renier pour autant son milieu d’origine, en démontrant ainsi que la seule voie pour pratiquer l’activisme islamique – voire islamiste – dans les domaines social et politique passe, dans sa perspective, par des moyens non-violents. Au centre de notre travail, il y a donc une analyse de la réflexion de Saʿīd sur la question du ǧihād dans l’islam à travers ses principaux ouvrages. À partir d’une position initiale de dénonciation ouverte de ce qu’il considère comme une compréhension déformée, de la part des musulmans, du sens et des finalités du ǧihād, dont il réduit drastiquement la portée (sans pour autant exclure catégoriquement le recours à cette option, dans son acception militaire, dans certaines circonstances), Saʿīd parviendra par la suite à une position de non-violence radicale. Par cet aboutissement, tout en continuant à admettre le ǧihād comme une « institution doctrinale » pour ainsi dire inaliénable, notre penseur annule de facto toute viabilité de cet instrument en tant que moyen de règlement des différends politiques, sociaux ou idéologiques à la fois dans le monde islamique et à l’extérieur de celui-ci. Le bien-fondé de cette prise de position est démontré, à son avis, par l’histoire, aussi bien sacrée qu’humaine : entre les deux, dit-il, une relation dialectique se noue, comme en témoigne l’accent mis par le Coran sur l’impératif d’apprendre des événements passés, des expériences des peuples précédents et des conséquences de leurs actes, mais aussi sur la nécessité d’observer la réalité avec un regard scientifique. Ce n’est qu’ainsi que l’homme pourra identifier les lois immuables (sunan) qui sous-tendent toute la création et qui l’informent dans un sens éthiquement progressif. Le postulat de ce type d’herméneutique coranique, qui parvient à faire de l’histoire elle-même une « source du Coran », est la mise en question des paradigmes épistémologiques sur lesquels s’appuie largement l’exégèse contemporaine, ainsi que des approches méthodologiques qui leur sont associées, dont notamment le paradigme juridique. À partir de cette analyse, ainsi que d’une étude de la personnalité de Ǧawdat Saʿīd telle qu’elle ressort de son profil biographique et intellectuel, que nous avons reconstitué principalement en recueillant les témoignages de ses proches et de son entourage, la présente recherche vise à démontrer que l’approche épistémologique adoptée par l’auteur a joué un rôle décisif dans l’évolution de sa pensée. Elle a notamment conduit sa réflexion vers un réexamen radical non seulement des conditions du ǧihād, mais aussi de certaines catégories doctrinales, théologiques et dogmatiques essentielles, telles que le tawḥīd, la fin de la prophétie, ou encore le principe de l’abrogation (nasḫ). Voilà pourquoi nous avons jugé nécessaire d’esquisser son système théorique à travers ses principaux travaux dans le troisième chapitre, pour passer ensuite à un examen systématique de ses sources et de sa méthodologie, auxquelles sont consacrés les deux derniers chapitres de la thèse. La perspective comparative adoptée comme méthodologie de ce travail a montré que, si sous certains aspects la démarche de notre penseur n’est pas inédite, dans la mesure où certains éléments convergent avec les théorisations d’autres intellectuels musulmans de son temps, sous d’autres, en revanche, elle est particulièrement originale. Tout d’abord, dans l’élaboration d’un système théorique complet dont le pivot est la non-violence ; deuxièmement, du fait que cette théorisation est l’œuvre d’un intellectuel avec un background salafiste et d’orientation islamiste, ce qui se reflet dans son choix des sources : d’Ibn Taymiyyah à Abū al-Aʿlā al-Mawdūdī, en passant par Sayyid Quṭb, Muhammad Iqbal et Malek Bennabi, autant de savants dont il propose une lecture que l’on pourrait qualifier de « fonctionnelle » à son projet herméneutique. Cela montre toute la complexité de la question de la place de Ǧawdat Saʿīd dans le panorama de la pensée islamique contemporaine, surtout à la lumière des catégories conceptuelles utilisées encore de nous jours dans la littérature scientifique, qui souvent ne prennent pas en compte la complexité des phénomènes qu’elles voudraient décrire : le cas de l’islamisme est emblématique en ce sens. Une personnalité comme celle de Ǧawdat Saʿīd, qui n’est sans doute pas un cas isolé, nous pousse donc à revoir ces catégories, qui semblent exclure a priori tout ce qui ne rentre pas dans leur moule – bien qu’il n’y ait pas de consensus unanime autour d’elles. Grâce à ce changement de perspective, des questions naguère inconcevables se posent : peut-on parler d’un « islamisme non-violent », voire d’une « non-violence islamiste » ? Est-ce que cette définition pourrait s’appliquer – comme cela semble être le cas – à l’expérience concrète d’autres musulmans qui ont rejeté le recours à la violence en tant qu’outil de changement politique et social, sans pour autant renoncer à leur identité islamiste ? En même temps, la centralité de la question épistémologique, telle qu’elle est apparue au cours de notre recherche, nous a conduit à plaider pour la thèse de l’appartenance de Ǧawdat Saʿīd à un phénomène plus large, celui des nombreux intellectuels musulmans contemporains – issus des expériences les plus diverses – qui ont poussé leur réflexion sur l’islam et ses sources au-delà des paradigmes interprétatifs traditionnels, et qui ont contribué à l’élargissement de l’horizon du discours religieux islamique par l’intégration de nouvelles sciences jugées jusqu’alors « incompatibles » avec une exégèse correcte, comme la linguistique, la sémiotique, l’histoire, la psychologie, sociologie, etc. De ce vaste courant de réforme épistémologique, dont l’un des objectifs majeurs est sans doute l’affirmation d’un nouvel humanisme islamique, Ǧawdat Saʿīd doit être considéré comme faisant partie intégrante, et sa théorie de la non-violence comme l’une des expressions de cette réforme. C’est ce que nous avons voulu démontrer avec ce travail.

Produzione scientifica

11573/1672027 - 2021 - al-Hāriṯ al-Muḥāsibī
Pizzi, Paola - 02e Traduzione in volume
libro: Manifestazioni spirituali nell’Islam. Antologia di alcuni testi fondamentali del sufismo classico (secoli I/VII - VII/XIII) tradotti e commentati - al-Hāriṯ al-Muḥāsibī (9788864851372)

11573/1672020 - 2008 - I cristiani melchiti: continuatori e testimoni della tradizione della prima chiesa indivisa in Oriente
Pizzi, Paola - 02a Capitolo o Articolo
libro: Popoli e chiese dell’Oriente cristiano - (9788873132004)

11573/1672013 - 2001 - Teodoro Abū Qurrah. La libertà
Pizzi, Paola - 03l Commento scientifico

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